Les origines du vol à voile en Touraine 1916-1987
Dans l’histoire du vol à voile en Touraine, Eric Nessler fut sans aucun doute le premier vélivole. Son père ayant pris le commandement du camp du Ruchard, le jeune Eric s’entraine avec son planeur N1 remorqué par des voitures automobiles.
La période 1916-1978
La période 1916-1978
Après les expériences menées par Eric Nessler au camp militaire du Ruchard, le vol sans moteur semble avoir débuté en 1930 sur la base aérienne de Tours où est installé l’aéroclub de Touraine. Si nous avons choisi des extraits du journal les Ailes qui paraitra de 1921 à 1963 c’est que ces articles parlent d’un adhérent, Lucien Durand qui fut un des premiers vélivoles du département à rejoindre Touraine Planeur lors de sa création. Lucien avait pratiqué le vol à voile de 1930 à 1933. Lisant dans la presse locale la naissance de notre association il prit contact avec le club pour s’inscrire alors qu’il était âgé de plus de 70 ans. Lucien était un homme tranquille qui racontait son bonheur de glisser quelques secondes aux commandes d’un planeur tracté par une voiture ou par un treuil. Son carnet de vol témoignait de ces glissades de 6 secondes et 4 mètres d’altitude. A la fin de sa première saison le pilote totalisait moins de trois minutes de vol !
Un soir Lucien avait évoqué cet épisode extraordinaire d’un élève qui n’était pas parvenu à rester près du sol – car il fallait rester impérativement près du sol lors des premières leçons – et qui s’étant retrouvé à une altitude raisonnable avait improvisé un « tour de piste » pour venir se poser face au vent. L’instructeur était très mécontent de son élève et l’avait sérieusement briefé devant ses camarades. Le pauvre se défendait : « je n’ai pas pu rester près du sol, je n’ai pas pu ! » Une pompe » ?
Lucien avait été relâché sur planeur beaucoup plus moderne et dont la finesse l’avait surpris : un bon vieux Bijave ! Quelques années plus tard, Lucien devait nous quitter définitivement après une longue maladie.
L’aéro-club de Touraine quitte la base aérienne
En 1954, l’aéroclub de Touraine quitte la base aérienne pour s’installer sur un terrain de fortune du côté de Larçay. Le champ est inondable, la piste un peu courte. Le club déménage à nouveau pour Sorigny où il se développera. Une mésentente entre pilotes conduit certains d’entre eux à créer en décembre 1959, Le « cercle aéronautique de la vallée du Cher » qui deviendra par la suite « les Ailes tourangelles ». Cette nouvelle association prend ses quartiers sur l’aérodrome d’Amboise-Dierre, créé pour la circonstance et dont les terrains sont loués à la municipalité. Dès le début d’activité, des avions-planeurs Fournier décollent du site : tout d’abord un RF 3 suivi rapidement d’un RF 4.
la période 1978-1984
La période 1978-1984
En 1978 quelques pilotes des Ailes tourangelles décident de pratiquer le vol en planeur. Ils obtiennent une autorisation du bout des lèvres du district aéronautique qui impose de nombreuses contraintes. Ils sont une douzaine de pilotes peut-être et pratiquent sur C 800 et Air 102. Puis la flotte sera modernisée : un C 800 puis des Bijave un super javelot et un Phoebus composeront la flotte du début des années 80. Le planeur le plus performant est le Phoebus auquel il arrivera quelques mésaventures.
Le cockpit du Phoebus est très étroit et pour se glisser à l’intérieur il convient de prendre mille précautions afin de ne pas déplacer les commandes du parachute de queue. Un jour s’installe à bord un ancien du club, un peu costaud, qui pourtant sait être délicat puisque sa profession, commerçant en machines à coudre, lui demande d’effectuer des démonstrations de couture et de broderie avec ses machines. Sans doute en s’installant touche-t-il à la commande de largage du parachute de queue qui, dès lors, ne demande plus qu’à se libérer complètement. Décollage derrière l’avion remorqueur… la masse au décollage étant un peu élevée notre pilote ne parvient pas à enlever l’appareil en une seule fois et effectue quelques rebonds sur le sol. Le parachute se libère. Et nous assistons sidérés à l’envol de l’avion remorqueur tractant le Phoebus lui-même tirant son parachute de queue. Inutile de préciser combien les 180 cv du remorqueur sont à la peine. Le pilote de l’avion dans l’impossibilité de prendre de l’altitude pense à une perte de puissance qu’il ne constate pas sur ses instruments. Le moteur tourne rond. Il observe alors l’attelage dans son rétroviseur et aperçoit le parachute déployé. Il effectue immédiatement les signaux conventionnels (battement de la dérive) mal interprété par notre pilote de planeur. Péniblement l’attelage passe en vent arrière à une altitude frisant la tête des peupliers. Tout aussi péniblement les deux aéronefs fidèlement suivis par le parachute de queue parviennent en étape de base. Le pilote du planeur s’estimant en « local » largue alors. A sa grande surprise, alors qu’il n’ a pas sorti les aérofreins, le planeur chute lourdement. Pour garder une vitesse satisfaisante, le pilote pousse sur le manche sans jamais penser à se séparer du parachute… la course du Phoebus se termine dans le fossé précédant la piste… Pas de bobo mais un train à changer et quelques réparations sur le fuselage.
Ce pauvre Phoebus perdra une deuxième fois son train dans une ornière de tracteur lors d’une vache à Amboise parce que le pilote, fainéant comme pas deux, avait décidé de laisser le planeur rouler au sol en direction de la ferme située au bout du champ, après l’atterrissage. Ce pilote, c’était moi ! En arrivant à la ferme pour téléphoner, je frappe à la porte vitrée. Une jeune femme charmante me fait signe d’entrer. Elle donne le sein à son bébé. Après m’avoir autorisé à utiliser son téléphone, elle me dit : « Si vous avez soif… » puis se rendant compte de la méprise que ce bout de phrase pouvait occasionner elle ajoute précipitamment : « …servez-vous dans le frigo ! »
la période 1984-1987
la période 1984-1987
Fin août 1984, un avion remorqueur qui vient de lâcher un planeur en vent-arrière, effectue toute son approche au-dessus du moto-planeur Fournier RF 9 . C’est l’époque où la radio n’est pas systématiquement installée dans les aéronefs. C’est également l’époque où certains pilotes trouvent que la radio est bruyante dans un cockpit… et préfèrent laisser les postes éteints.
Malgré les signes désespérés faits par les pilotes en piste, l’avion poursuit sa trajectoire jusqu’à l’atterrissage. L’aile gauche de l’avion se pose sur la dérive du moto-planeur. Celui-ci effectue un soleil alors que le remorquer lui fait un demi-tonneau et tout le monde se retrouve sur le dos. Michel, notre instructeur, se précipite vers le lieu de l’accident et a le bonheur d’entendre le pilote du RF 9 jurer : « Nom de Dieu de nom de Dieu, qu’est-ce qui s’est passé ? » Côté avion, le pilote s’extraie de l’épave aidé par des témoins. Il est hébété et ne comprend pas plus ce qui lui est arrivé. Fort heureusement, nous ne déplorons aucun blessé. Un miracle !
Mais après cet accident qui coûte au club 450000 Frs dont une partie seulement sera remboursée par l’assureur du club au titre de la responsabilité civile de l’avion responsable de l’accident, le conseil d’administration décide d’arrêter la pratique du vol à voile et de ne pas acheter de nouvel avion remorqueur.
En 1985, les pilotes de planeur parviennent à emprunter les machines aux Ailes Tourangelles et à voler à partir de l’aérodrome de Romorantin où ils sont accueillis aimablement par le club voisin. Dans le même temps se constitue autour de Michel, instructeur vol à voile d’Amboise-Dierre et de Jean-Pierre une équipe bien décidée à poursuivre l’activité vol en planeur en Touraine. C’est la raison pour laquelle en 1986 le conseil d’administration du club cède aux vélivoles et achète un nouveau remorqueur. Toutefois, lors de l’assemblée générale de
fin d’année 1985, le président du club appelle de ses vœux un animateur chargé de développer la section vol à voile. Tout le monde se tourne vers Jean-Pierre et Michel. Jean-Pierre sera l’animateur chaperonné par Jacques le vice-président du club en charge du vol à voile et sera aidé par Michel, instructeur de très grande qualité. L’amitié qui va lier ces trois personnages et surtout celle entre Michel et Jean-Pierre va faire des « miracles » ! Michel aimait à dire : « le bulldozer » fonce, déblaie le terrain et moi je recolle les morceaux et ça fonctionne ! Cher Michel qui me pardonnait tout du moment que nous parvenions à nos fins pour notre section vol à voile !
Enfin, ça fonctionne bien côté vélivole. La section atteint 60 pilotes dont bon nombre en formation initiale. Vous avez dit animation ? Des soirées sont organisées dans les hangars. La plus formidable regroupera plus de 200 personnes à table autour d’un méchoui et se termine aux environs de trois heures du matin ! Nos amis allemands présents craignent de manquer de boissons. Ils envoient un pilote à Mülheim faire le plein avec une remorque de planeur qui rentre chargé de bières ! De notre côté nous avons prévu du Champigny de façon large ! Tout sera bu… fort peu de vol le lendemain !
Ça fonctionne bien également côté relations publiques ! Jean-Pierre et Michel prennent de multiples contacts avec le Conseil Général, la ville d’Amboise, la FFVV et l’ANEPVV. Côté pilotes avion, l’inquiétude grandit de voir cette section se développer aussi vite. Alors naissent quelques tensions. D’autant que le bulldozer commet quelques impairs : les pilotes vol à voile se groupent pour acheter un Pegase que Jean-Pierre négocie âprement mais en oubliant, parce que ce n’est pas dans sa nature de rendre des comptes, d’en parler au président du club. Jacques le fait mais un peu tardivement. Erreur ultime, Jean-Pierre rencontre le maire d’Amboise, Michel Debré accompagné de son fils Bernard. Ceux-ci sont d’accord pour aider financièrement la section vol à voile à construire un nouveau hangar adapté aux planeurs et un nouveau club-house mais il faut un projet écrit. Toute l’équipe vol à voile adhère au projet et se lance à corps perdu dans son étude présenté à Bernard Debré lors d’une journée porte-ouverte vol à voile sans que jamais le conseil d’administration n’ait été consulté !!! Surprise, feinte, car Jacques le vice-président tient au courant le président mais l’animateur vol à voile, pas et c’est ce que le président souhaiterait !!! La guerre est déclaré d’autant que le président n’a pas tout à fait la sensibilité politique de Bernard Debré.
Les présidents des comités régionaux de la FFA et de la FFVV vont tenter des négociations. Les ressentiments sont déjà trop forts, le divorce est trop avancé pour pouvoir songer à poursuivre la vie commune. Lors d’un conseil d’administration, Jean-Pierre n’a-t-il pas du rattraper Bernard, ce pilote planeur qui a magnifiquement pris en charge l’entretien des machines avec notre ami Jean, et qui voulait en venir aux mains avec un des vice-présidents trop incisif ?
Lors d’une conversation à bâtons rompus, Jacques suggère à Michel et Jean-Pierre : « Je ne crois pas que vous parviendrez à développer le vol à voile sur ce terrain. Vous seriez moins emm… à rechercher un terrain et à construire vos propres installations. » D’autre part, Claude Larivière, président du comité régional de vol à voile, incite doucement l’équipe à se diriger vers une solution radicale. C’est cette idée qui fait son chemin jusqu’en décembre 1997, date à laquelle l’assemblée générale décide de l’exclusion des pilotes de vol à voile.
Cette assemblée générale a été odieuse. Des pilotes que nous n’avons jamais vus sur le terrain ou à l’atelier tiennent des réquisitoires à charge d’une violence inouïe. Emporté par cette ambiance délétère, le conseil d’administration décide le blocage de l’ensemble du matériel vol à voile, y compris le planeur prêté par la FFVV , y compris le planeur acheté par les vélivoles avec l’aide de la FFVV ! Il faudra pratiquement six mois pour que nous puissions récupérer nos planeurs. Nous quittons les Ailes tourangelles sans aucun matériel alors que, comme tous les adhérents, nous sommes « co-propriètaires » de l’ensemble de l’actif !
Nous ne répliquons pas car nous ne pouvons guère nous exprimer dans cette ambiance hostile. D’autre part, je suis totalement « zombie » car je suis rentré chez moi à quatre heures du matin en provenance de Vichy où se tenait un congrès professionnel au cours duquel j’intervenais énormément. Pas moyen de quitter la soirée de gala et la table officielle à laquelle je me trouvais avec plaisir et bonheur, la qualité des invités ayant généré des conversations passionnantes. Et puis, nous nous tournons vers l’avenir. En novembre, nous avons créé l’association vol à voile Léonard de Vinci, riche d’une quinzaine de pilotes mais qui ne possède ni avion, ni planeur – pour le moment – ni terrain, ni installation… La gestion est d’une simplicité enfantine !
C’est ce qui s’appelle partir de zéro !
Pour en rajouter une couche, le district aéronautique interdit la pratique du vol à voile sur le terrain de Dierre la jugeant trop dangereuse mais… sauf pour le club de Mülheim qui passe l’été avec ses planeurs sur l’aérodrome des Ailes Tourangelles… Dérogation signée en bonne et due forme ! C’est bien connu dans le milieu, les pilotes de planeur allemands sont bien plus prudents que leurs homologues français ! Il s’agissait là, sans nul doute aucun, d’un abus de pouvoir du chef de district aéronautique.